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Accessibilité universelle dans les musées : élargissons les regards !

À l’invitation du réseau FRAME (FRench American Museum Exchange) et du Musée des beaux-arts de Rennes, deux journées d’étude seront consacrées à l’accessibilité universelle dans les musées, en écho à la fin de l’itinérance de l’exposition tactile L’Art et la Matière. Prière de toucher et dans le cadre des 20 ans de la loi du 11 février 2005. Elles auront lieu les 9 & 10 décembre 2025 au Musée des beaux-arts de Rennes. Pour cette occasion, nous donnons la parole à Stéphanie Bardel, responsable du pôle visiteurs du Musée des beaux-arts de Rennes et l’une de ceux ayant contribué à l’accueil de ces journées.

Qui sont les structures à l’initiative de ces journées ?

« LE FRAME (French American Exchange), est un réseau de musées de Beaux-Arts regroupant ceux d’Amérique du Nord et de France qui existe depuis 26 ans. Le Musée des Beaux-arts de Rennes est membre depuis au moins 20 ans.

Ce réseau est très structuré et les échanges se focalisent sur les enjeux de collections beaux-arts. Il favorise le dialogue entre les professionnels ainsi que les échanges d’œuvres. Il propose aussi une aide financière, en permettant aux musées membres de faire des demandes de subventions, 2 fois par an. C’est le cas pour le financement des expositions, de catalogues, mais aussi d’échanges entre professionnels puisque le FRAME finance en grande partie l’organisation de ces journées.

Parmi les participants à ces rencontres, nous aurons les 7 musées ayant accueilli, tour à tour l’exposition, tous membres du FRAME. On y compte le Musée Fabre de Montpellier, le Palais des Beaux-Arts de Lille, le Musée d’Art de Nantes, ainsi que les musées des beaux-arts de Bordeaux, de Lyon, de Rouen. Puisque nous sommes le dernier musée français du réseau à avoir installé l’exposition, c’est notre ville qui a été retenue pour accueillir cet événement. Au sein de ce comité de pilotage, regroupant ces 7 musées, nous pouvons également compter sur la participation d’Anne Krebs, chercheuse honoraire au musée du Louvre, ainsi que de Bertrand Verine, maître de conférence à l’Université Paul Valery de Montpellier, spécialiste du toucher, qui est déficient visuel.

Pour ces deux journées, nous aurons des interventions en français et en anglais mais qui seront traduites sur place Et pas d’inquiétude si vous ne pouvez pas être présent : la rencontre sera enregistrée et diffusée ensuite. Elle sera aussi traduite en LSF (Langue des Signes Française). »

De quoi parle-t-on par l’inclusivité universelle et en quoi l’exposition L’Art et la Matière. Prière de toucher participe à tendre vers cet objectif ?

« Si on revient à l’origine de l’exposition L’Art et la Matière. Prière de toucher, il faut rappeler d’emblée qu’elle a été conçue dès le début avec des déficients visuels, ce qui est une des premières expériences portées par ce type de musée en France. Toute la scénographie et le propos ont été pensés par et pour des déficients visuels. Puisque l’exposition a connu une série d’installation en migrant de musée en musée, elle a pu s’enrichir des expériences. Un constat marquant de notre côté, c’est qu’au-delà des personnes touchées par ce handicap, l’exposition a intéressé le public. Les familles ont apprécié venir voir cette exposition, car tout le monde pouvait toucher, y compris les enfants. Beaucoup de gens sont venus, car on mettait en avant les sensations. Pouvoir toucher et ressentir les objets permettait un pas de côté qui a intrigué et séduit nos visiteurs.

Pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, nous sommes partis sur l’idée d’une journée de restitution, qui s’est très vite transformée en deux journées d’études. La première journée sera résolument tournée sur l’exposition et les retours que nous, à Rennes, nous avons eu, mais également d’avoir le retour des autres musées. Pour la 2e journée, nous porterons le regard sur l’accessibilité universelle. En France, nous avons tendance à résumer l’accessibilité à ce qui touche aux handicaps. Cependant, et c’est particulièrement le cas en Amérique du Nord, la question de l’accessibilité c’est le fait de parler pour tous et toutes, c’est-à-dire également dans le domaine philosophique et social. L’idée de travailler sur plusieurs musées était intéressante. On est sur une journée d’ouverture, comment rendre les musées plus accessibles, pas seulement que sur le handicap. Je reviens d’un congrès à Denver portant sur l’accessibilité. Là-bas, ils ne font pas de divisions entre les formes d’inclusivité. Ils y abordent les questions sociales, communautaires et des handicaps. »

Pourquoi il vous parait important de convier et d’inclure la réflexion de nos homologues nord-américains à l’occasion de ces journées tournées sur l’accessibilité ?

« En invitant les musées porteurs de l’exposition L’Art et la Matière. Prière de toucher et nos collègues américains du FRAME, nous souhaitions vraiment interroger cette notion d’accessibilité universelle et inspirer d’autres collègues et acteurs publiques sur cet enjeu.

Il faut rappeler que pour notre musée et pour notre ville, il y a un vrai enjeu autour de la notion d’hospitalité, qui se veut le prolongement de l’accessibilité.

Cette dimension de l’inclusivité globale est prise en compte chez nos voisins américains, notamment états-uniens, dont le mot d’ordre est « Nothing about us without us » / « Rien sur nous sans nous ». Je reviens d’un déplacement du Colorado où j’ai pu voir que tout un travail avec les communautés est mené avec le Denver Art Museum. Par exemple, tous les cartels sont en anglais et en espagnol, afin d’inclure les communautés hispaniques. Les collections portant sur l’art amérindien du pays sont discutées et valorisées, en lien avec ces communautés autochtones. Il serait impensable de faire sans eux !

À regarder la situation de plus près, on pourrait croire que les politiques culturelles de l’administration Trump ont une portée limitée, voire qu’elles n’ont pas été réellement appliquées. Une telle perception doit toutefois être nuancée : elle s’explique en grande partie par la configuration institutionnelle propre au système muséal américain, où la prédominance des établissements privés limite considérablement l’impact direct des orientations gouvernementales en matière de culture. Ceux au sein du FRAME le sont en tout cas. Ils sont financés par des fonds privés contrairement à l’exemple des musées du Smithsonian, qui dépendent principalement de fonds fédéraux. Si on reste avec l’exemple du musée à Denver, qui est une ville à tendance démocrate, pour l’heure, ils continuent leur programme d’accessibilité, mais ils ne peuvent plus faire appel aux fonds fédéraux.

Je pourrais aussi citer l’exemple des musées canadiens, qui sont très en avance sur l’accessibilité, notamment par la pratique des art-thérapeutes souvent intégrés aux équipes des musées. Les prescriptions muséales viennent de là par exemple. C’est quelque chose qui a été initié par la ville de Rennes et que nous déployons au sein de notre musée où une personne est chargée de l’accompagnement de ces patients. En définitif, pouvoir échanger avec des professionnels étrangers, comme c’est le cas avec nos homologues du FRAME, nous permet de décentrer notre regard sur ce type de sujet, d’imaginer des dispositifs et de les expérimenter pour nos visiteurs. »

Cliquez ici pour en soir plus sur ces journées FRAME !

 

 

 

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