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La fin d’un célibataire

Un fait divers mis en scène par un artiste maîtrisant totalement son art ! Né à Lannion en 1828, Louis Marie Baader fera une carrière de peintre académique à Paris, avant de venir finir ses jours à Morlaix, où vivait sa famille. Présentée au Salon des artistes français (une importante exposition annuelle) en 1890, cette toile correspond tout à fait à ce que l’on appelle la peinture de Salon à la fin du 19ème siècle. Louis-Marie Baader a soixante-deux ans, sa carrière de peintre de salon est installée. Il connait les codes et les conditions pour qu’une toile soit remarquée, il sait que l’intérêt du sujet et sa mise en scène sont les atouts de son succès. Le savoir-faire, le métier de peintre de Baader est ici utilisé dans toute son efficacité : par le choix d’un format monumental il bâtit une intrigue efficace, capte l’intérêt du public, touche les sentiments.

En tant que conteurs d’histoires, les peintres de Salon rivalisent avec les romanciers et les auteurs dramatiques. Ils peignent pour un public qui cherche dans l’art une aventure émotionnelle et avec La fin d’un célibataire, le public assiste ici au drame qui vient de se produire dans un appartement bourgeois et au dépouillement du vieil homme. Tout est mis en œuvre par le peintre pour que le caractère sensationnel du sujet soit vécu en direct par le spectateur comme s’il se trouvait dans la pièce du drame. Il condense l’histoire en une scène théâtrale qui se passe à huit-clos. Il organise la composition de son tableau sur un jeu de gestuelle et de regards qui donnent une tension supplémentaire à la scène.

L’essentiel de l’histoire est concentré sur la droite : au coucher du célibataire, la veille au soir, la bonne l’aurait empoisonné, comme en témoignent la tasse et les fioles sur la table de nuit. L’homme est riche, le coffre ouvert et le porte-monnaie au sol laissent deviner que l’on recherche l’argent. La bonne a un complice, caché derrière la porte, elle lui tend une clé qu’elle a probablement trouvé sous l’oreiller… La clé d’un autre coffre, dans une autre pièce ? Très habilement, Baader ordonne la composition dans un cercle, entre le bras de la bonne qui soulève l’oreiller, celui du célibataire tombant du lit, et le bras tendu à l’homme derrière la porte pour lui donner les clés.

Cette composition donne un rythme à la scène accentué par le fait qu’il choisit de concentrer au même endroit, les blancs du tablier, de la chemise et de l’oreiller, attirant ainsi le regard du spectateur. Cette toile a souvent été rapprochée d’une description que fait Jean-Paul Sartre dans la Nausée d’un tableau traitant de la mort d’un célibataire mais la scène qu’il décrit n’est pas tout a fait identique au tableau de Morlaix. Ce sujet du célibataire, empoisonné par sa bonne est un sujet de fait divers courant à l’époque, dont d’autres peintres de Salon se sont emparés. Néanmoins, dans Les mémoires d’une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir raconte que lors de leur séjour en Bretagne, Sartre avait été impressionné par le musée de Morlaix.

Ce tableau répond bien au goût du public des salons des dernières décennies du siècle. Il y a en effet un véritable engouement pour les sujets qui empruntent à la littérature populaire et aux faits divers. Petit détail : sur la chevalière du célibataire on peut voir ses initiales gravées : L.B ! En 1890, le peintre offre au Musée de Morlaix La fin d’un célibataire, que l’État avait refusé de lui acheter.

 

Cartel

La fin d’un célibataire
Louis-Marie Baader (1828-1920)
1890
Huile sur toile
Signé et daté en bas à gauche : " L.Baader 1890 "

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