Ce Saint Luc peignant la Vierge témoigne de l’évolution du statut des artistes à la Renaissance. Luc est l’un des quatre évangélistes, son attribut principal est le taureau. Parmi ses diverses actions, il aurait peint le portrait de la Vierge et, de ce fait, il est le saint patron des artistes. Heemskerck est l’un des principaux peintres hollandais du 16ème siècle. Il fut l’un des premiers à entreprendre le voyage en Italie en 1536, où il découvrit la culture classique, les ruines et les sculptures de l’Antiquité, mais aussi les œuvres puissantes et expressives de Michel-Ange. Vers 1545, alors qu’il est doyen de la guilde des peintres de Haarlem, en Hollande, il réalise ce tableau comme un manifeste de sa vision de l’art. Les figures et les accessoires y sont exécutés avec une minutie et une précision caractéristiques de l’art du Nord.
À l’arrière-plan, dans une cour, s’affairent des sculpteurs. Cet espace est orné de plusieurs statues fragmentaires antiques que le peintre avait pu observer lors de son passage à Rome. Les symboles et les références artistiques sont présents dans chaque élément du tableau : la tête de l’Enfant reprend celle peinte par Michel-Ange dans le Tondo Doni, les divers objets, ouvrages et recueils évoquent les sciences (astronomie, médecine, anatomie) et soulignent l’humanisme de l’artiste. Le mélange complexe de ces éléments rappelle l’évolution du statut des artistes, lesquels ne sont désormais plus considérés comme de simples artisans et dont la pratique se veut aussi noble que celle des arts libéraux, faisant appel à l’intellect.