L’entrée de cet étrange objet dans les collections du musée est contextualisée par un article de journal du 11 juillet 1875 : il a été rapporté du Japon par le capitaine Lévêque à bord d’un navire armé par un certain Fontan. Désigné « sirène du Japon » ou « momie de sirène », le spécimen est composé d’une queue de poisson naturalisée assemblée à un corps et une tête sculptés imitant probablement une figure qui évoque un singe et agrémentés de dents et de griffes acérées.
L’art de créer des « fausses sirènes » est probablement né de l’habilité des pêcheurs à travailler et à conserver le poisson. En perfectionnant progressivement les techniques, en empruntant notamment à la pratique de la taxidermie et de la momification, les fabricants ont réalisé des pièces surprenantes qui ont dépassé le cadre de l’artisanat maritime et intéressé celui des croyances et des traditions populaires.
Ainsi, les momies de sirène furent exposées au cours des 18ème et 19ème siècles à l’occasion de carnavals (misemono) en tant qu’attractions sensées apporter chance et fortune aux spectateurs, en plus d’une certaine frayeur. D’autres le furent dans des sanctuaires ou des temples probablement dans une logique propitiatoire. Au fil des contacts avec les Européens et les Américains, certaines réalisations nées elles-aussi d’un montage taxidermique improbable ont défrayé les chroniques occidentales à la faveur de leur importation par voie maritime. L’exemple de la « sirène de Fidji » achetée par un capitaine à Jakarta, exposée à Londres en 1860, puis rachetée par un entrepreneur de spectacles américain est certainement le plus remarquable. Itinéraires d’objets immémoriaux et chimériques devenus objets de commerce, de foire et de supercheries !