Jeudi 13 novembre, de la fumée s’échappait d’un des bâtiments de l’écomusée de la Bintinais. Des camions de pompiers remplissaient son parking. Heureusement, il s’agissait seulement d’un exercice réunissant les équipes du SDIS 35 et les professionnels de l’écomusée autour du PSBC (Plan de Sauvegarde des Biens Culturels) nouvellement mis à en place. Retour sur ce document indispensable pour les musées et sur l’exercice qui s’y est tenu avec Célia Massard, régisseuse des collections, et Quentin Geffray, responsable technique.
-
Pouvez-vous revenir sur ce qu’est un PSBC et ce que cela implique pour un musée ?
Le Plan de Sauvegarde des Biens Culturels est un document opérationnel à disposition des équipes d’un établissement culturel et des Services d’Incendie et de Secours. Il facilitera les prises de décisions en cas de situation mettant en péril des biens culturels (incendie et dégât des eaux principalement). Il liste les biens à évacuer ou à protéger en priorité. Il établit les moyens à mettre en œuvre, matériels et humains. C’est un plan de gestion de crise.
Le PSBC répond à l’objectif de protection du patrimoine culturel inscrit dans le plan ORSEC départemental. Depuis quelques années, le ministère de la Culture en fait une priorité.
Depuis deux ans, l’Écomusée de la Bintinais travaille activement à la réalisation de son PSBC en collaboration avec le Service départemental d’incendie et de secours d’Ille-et-Vilaine. Une première phase a consisté à produire des documents opérationnels et à acquérir un ensemble de matériel dédié à la gestion des urgences (matériel d’évacuation, de protection, équipements de protection individuelle, etc.). La seconde phase consiste à la formation de l’ensemble du personnel. Après une première sensibilisation au PSBC et un travail d’organisation des équipes internes, un test grandeur nature a été organisé avec les sapeur-pompiers. Un processus de formation continue est alors engagé. En effet, pour être opérationnel, un plan d’urgence doit continuellement être mis à jour et les personnels doivent rester mobilisés. Aussi, la refonte à venir des parcours permanents de l’écomusée sera l’occasion de mettre en œuvre de nouvelles solutions techniques.
-
Le jeudi 13 novembre, vous avez procédé à un exercice de grandeur nature au côté des pompiers du SDIS 35. Quels ont été les enjeux de cet exercice ?
En cas de sinistre, la procédure prévoit avant tout l’évacuation du public puis la sécurisation du personnel. Ce n’est qu’une fois ces étapes validées que les agents formés peuvent procéder à la mise en sécurité des animaux ou des collections, en coordination avec les services de secours.
L’exercice grandeur nature du 13 novembre dernier s’est concentré sur l’évacuation des œuvres de l’exposition temporaire. Un départ de feu dans l’atelier jouxtant la salle d’exposition était simulé par une machine à fumée.
Ce jour-là, autour de 10h, un appel au 18 est émis par une agente d’accueil. Lorsque les pompiers arrivent sur place, l’ensemble du personnel est rassemblé sur le parking devant l’établissement. Le commandant des opérations de secours prend tout de suite attache auprès du chef d’établissement pour faire un point sur la situation. Après avoir confirmé que personne n’est manquant à l’appel et pendant que les sapeur-pompiers font une reconnaissance et démarrent l’extinction du feu, l’équipe de l’écomusée se met en place. Un point de rassemblement des œuvres (P.R.O.) est organisé sur le parking et le matériel y est acheminé. La liste des œuvres à évacuer est fournie à l’équipe PSBC du SDIS 35, qui va ainsi pouvoir commencer à les sortir du bâtiment. Les œuvres sont prises en charge par l’équipe de l’écomusée au P.R.O. L’inventaire est contrôlé. Puis elles sont conditionnées de manière adaptée et chargées dans un camion pour être acheminées vers la zone de repli. Là, une autre équipe veille à la traçabilité de chaque bien et procède aux premiers constats d’état avant d’effectuer des préconisations de traitement.
Cet exercice représente une étape majeure dans la mise en place du PSBC au sein de l’écomusée. Il a permis de tester l’efficacité et l’opérationnalité des documents rédigés à destination des pompiers et des équipes internes, mais aussi des matériels. C’est surtout un moment de partage des objectifs avec les équipes. Elles sont confrontées à la manière dont se déroule une situation de crise et s’approprient ainsi plus aisément leur rôle. Évidemment, aucun sinistre ne se déroule de la même manière, mais nos capacités d’adaptation et notre réactivité seront d’autant plus importantes que nous y serons préparés.
En outre, cet événement découle également d’un besoin exprimé par le SDIS 35 qui a ainsi eu l’occasion de manipuler des œuvres et de pratiquer divers systèmes de présentation (vitrines, accroches sécurisées, etc.).
Le PSBC joue un rôle central en permettant d’identifier les points vulnérables du site et d’ajuster les procédures. Il constitue un outil indispensable pour renforcer la réactivité et la capacité d’adaptation des équipes face à des situations de crise.
-
Du fait de la grande superficie de la Bintinais, et de la variété des collections, comprenant des animaux, comment prévenir et sécuriser au mieux les agents, les collections, ainsi que les équipements d’un écomusée aussi grand et varié que le vôtre ?
Pour prévenir et sécuriser au mieux les agents, les collections ainsi que les équipements, il est indispensable de combiner des actions de prévention, de surveillance et de préparation à la gestion de crise. Dans cette démarche, le public et les agents constituent la priorité de l’établissement, suivi des animaux, puis des biens matériels. Le PSBC est ainsi l’occasion de réinterroger l’ensemble des procédures de sécurité afin de s’assurer qu’elles répondent pleinement à ces enjeux.
Bien entendu, les mesures préventives constituent la première brique de cette démarche. En tant qu’établissement recevant du public, une commission de sécurité donne son accord pour l’ouverture de chaque nouvel espace et les équipements de sécurité font l’objet d’un contrat de maintenance. Le site est équipé d’un système de sécurité incendie intégrant une détection incendie, assurant une alerte rapide du public et du personnel en cas de départ de feu. Le personnel est formé régulièrement. En plus d’une télé-surveillance confiée à une entreprise privée, le site a la chance de disposer d’une présence humaine jour et nuit, indispensable à la surveillance des animaux.
En effet, la particularité de l’Écomusée de la Bintinais réside dans la cohabitation de collections de diverses natures : patrimoniales et vivantes. Depuis plus de 30 ans, en partenariat avec les éleveurs, les associations de races et les partenaires scientifiques, l’écomusée œuvre à la conservation de 19 races domestiques régionales telles que la poule Coucou, la chèvre des Fossés, ou la vache Pie noir. Ce réservoir génétique est fondamental pour les filières agricoles afin de répondre aux évolutions environnementales en cours et à venir. Ce patrimoine, à la fois culturel et génétique, fait donc l’objet d’autant de soins que les collections patrimoniales. Une prochaine étape pourrait être la mise en place d’un plan de sauvegarde pour le cheptel.
Crédits photos : Ecomusée de la Bintinais. CC BY SA Alain Amet.
