Le titre, qui ne localise pas le sujet, correspond comme le format à une peinture de salon. Le sujet est le destin de l’homme contre les forces de la nature, le bateau, pilote de quelque port de la manche, semble bien frêle dans ces flots déchaînés et sous ce lourd ciel d’orage. Deux voiliers luttent contre la houle, un rideau de pluie d’orage plonge dans la mer émeraude. Tout au loin, sur la gauche de la toile, un troisième bateau évite la tempête dans une éclaircie où pointe un peu de bleu. Boudin traite ici d’une nouvelle manière les effets de lumière et d’atmosphère qui ont fait sa réputation.
Si le tableau reste sage, car destiné à être exposé au Salon, il n’en demeure pas moins original dans la composition et l’opposition des masses sombres du ciel et de la mer. La lumière s’accroche sur une multitude de touches claires et vives, écume, aplat de la voile qui claque sous quelques rais de soleil perçant les nuées de plomb. La crête écumeuse des vagues répond au triangle des voiles du premier plan, tandis que quelques petites taches de couleurs soigneusement placées, rouge du pavillon, bleue de l’étrave, blanches des goélands, animent les valeurs sourdes des gris, bleus et verts dans lesquelles la touche est tantôt douce et mêlée pour les nuages tantôt fine et serrée ou isolée pour suggérer le mouvement des vagues.
Sans atteindre la virtuosité de l’artiste Claude Monet, Eugène Boudin révèle ici son sens de l’harmonie et la maîtrise d’un sujet somme toute banal. Présenté au Salon des artistes français de 1886, Un Grain est acheté par l’État qui le dépose la même année au Musée de Morlaix. Le Musée des Beaux-arts de Montréal possède une version presque identique datée de 1885.