Vite, observez à l’horizon la submersion de la ville d’Ys avant qu’elle ne disparaisse ! La colère divine s’est exprimée, à l’image de ce ciel menaçant. Pourchassés dans leur fuite par une vague déferlante, le roi Gradlon et saint Guénolé semblent s’échapper du tableau, alors que la princesse Dahut lutte pour sa survie. Gradlon aurait bâti pour sa fille Dahut, passionnée par la mer, la magnifique cité d’Ys, protégée des marées et des flots marins par d’immenses murailles afin d’éviter qu’elle soit submergée. Seule une immense porte dont la clef est confiée à Gradlon permet d’entrer ou sortir de la ville. La ville est ainsi prospère et radieuse.
Dahut y fait néanmoins régner la débauche, le pêché et le plaisir. Elle y organise des orgies et invite chaque soir dans sa couche un nouvel amant qu’elle tue le matin venu et dont elle rejette ensuite le corps inanimé aux flots. Saint-Guénolé, homme de foi, la sermonne et l’avertit du danger encouru par la ville du fait de tels comportements, si peu chrétiens. Un jour, Dahut invite un chevalier vêtu de rouge à partager son lit, représentant le mal dans l’intrigue, par opposition à Saint-Guénolé. Celui-ci arrive en séduisant Dahut à obtenir les clefs de la ville et provoque l’engloutissement de celle-ci en ouvrant la porte qui la protège des flots.
Pour échapper à la catastrophe, le roi Gradlon et sa fille montent sur le cheval Morvarc’h ( le “cheval de mer”, en breton) et s’enfuient. Saint Guénolé les rattrape et incite Gradlon à repousser Dahut, cause de la déperdition de la ville, dans les flots. Dahut est finalement précipitée dans la mer, qui engloutit également la ville d’ Ys. Suite à cet épisode Gradlon, tiraillé dans cette légende entre l’amour pour sa fille et la réalisation du bien, se serait ensuite retiré dans l’abbaye fondée par Guénolé à Landévennec.
C’est l’épisode de la fuite du roi et de l’incitation de Saint-Guénolé à repousser sa fille qui est représenté ici par Évariste-Vital Luminais. Par une succession de courbes suggérant l’action et des couleurs chaudes, l’artiste attire votre regard au centre de la toile. Le cheval du roi se cabre sous le poids des péchés de la belle, responsable par sa vie frivole de la destruction de l’Atlantide bretonne. La sentence vient du moine auréolé.
Qu’invoque ce doigt pointé vers le ciel ? Sûrement la voix de Dieu ordonnant au roi de laisser sa fille se noyer. Cette légende est issue du recueil de chants populaires le Barzaz-Breiz du folkloriste La Villemarqué. En s’attaquant à cette légende, Luminais est associé au mouvement celtique de la fin du 19ème siècle
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