Ce tableau énigmatique permet de témoigner des premiers pas du peintre surréaliste Yves Tanguy et d’éclairer d’un jour nouveau l’amitié qui liait l’artiste à Marcel Duhamel et aux frères Jacques et Pierre Prévert, notamment lors de leurs séjours à Locronan.
Rien que le « pedigree » de ce tableau en fait une œuvre historique. En effet, c’est la deuxième huile sur toile exécutée par l’autodidacte Yves Tanguy (la première Rue de la Santé est conservée au Museum of Modern Art de New York) ; il la donne, sans doute peu après sa création, à Marcel Duhamel, futur fondateur de la Série noire, rencontré par l’intermédiaire de Jacques Prévert au début des années 1920. Il semblerait que Marcel l’ait vendue à un portier de l’hôtel Grosvenor avant de la récupérer vingt ans plus tard. Sa veuve Germaine en fait ensuite don en 1983 à Catherine Prévert, la fille de Pierre Prévert, nièce de Jacques, qui décide en cette année 2017 de l’offrir à la Ville de Quimper, sans condition, motivée par les liens prégnants de Tanguy avec le Finistère et l’accueil reçu lors de la rétrospective Yves Tanguy, l’univers surréaliste organisée en 2007 au musée par le précédent directeur, André Cariou.
Ce tableau Le Pont, s’il n’est pas à proprement parler surréaliste, pose les jalons de la carrière du « peintre surréaliste par excellence », peu représenté dans les collections publiques françaises. Dans cette œuvre, c’est toute l’ambiance de la rue du Château qui émerge, un certain anarchisme, le goût pour la culture populaire, cet « avant André Breton » et donc ce trio Tanguy-Prévert-Duhamel qui, de Paris à la Bretagne, a marqué l’histoire des arts.